Branle-bas au royaume des mathématiques

En deux semaines d’intervalle, je suis tombé sur trois articles qui dénoncent l’état de l’enseignement des mathématiques tel que nous le connaissons dans nos écoles au Québec, en France et en Angleterre. Il n’y a pas à dire les planètes sont alignées pour que je me remette à l’écriture.

Dans son numéro du 15 mai 2015, la revue L’Actualité consacre deux de ses trois articles du dossier numérique à l’enseignement des mathématiques. Le 2 juin suivant, le journal Le Monde accuse les mathématiques d’être trop refermées sur elles-mêmes. Y aurait-il un malaise au royaume des mathématiques?

Conrad Wolfram, mathématicien anglais, propose de révolutionner l’enseignement des mathématiques en recourant à l’ordinateur pour effectuer les calculs. Il valorise l’utilisation de l’ordinateur, afin que cette matière soit plus adaptée au monde actuel. Sa solution : « remplacer l’apprentissage du calcul par celui de la programmation ». Shocking!

Au lieu d’astreindre les élèves à s’échiner sur de longs calculs, que l’ordinateur peut très bien résoudre, Wolfram propose de soumettre les élèves à des résolutions de problème. Il affirme d’ailleurs dans l’entrevue qu’il a accordée à L’Actualité que bon nombre d’élèves jugés « nuls» pourraient s’avérer excellents en résolution de problème grâce à une telle pédagogie.

Ne retrouve-t-on pas là les fameuses CD1 des séquences mathématiques du Programme de formation de l’École québécoise (PFED)? Peut-on vraiment parler de choix de séquence, quand on sait que les conditions pour offrir mathématique technico-science (TS) n’ont jamais véritablement été mises en place? Où sont les laboratoires pour que les élèves puissent explorer et manipuler, afin de comprendre ce qui devra être mis en théorie par la suite? Cette voie qui devait répondre aux élèves qui ont besoin de « voir » les mathématiques de manière plus concrète n’aura pas su faire sa niche. Faudrait-il aussi interroger l’ordre collégial qui s’est contenté de noter les nouveaux taux d’échec sans oser se remettre en question? Oh, douloureuse question!

Jocelyn Dagenais, enseignant de mathématique et président du GRMS, est aussi en faveur de l’intégration des technologies pour l’enseignement des mathématiques, quitte à même faire preuve de délinquance occasionnelle dans ses propres classes. Or, Dagenais dénonce le ridicule qui entoure la passation des épreuves de mathématique pour ces élèves qui ont accès à la technologie pendant toute l’année et qui doivent se soumettre à une évaluation traditionnelle du MEESR en fin de course. « C’est comme s’il utilisait une scie circulaire toute l’année et qu’il avait droit à une égoïne à l’examen », clame-t-il. Où sont les conditions équivalentes, telles que le demande le MEESR?

En France, Didier Dacunha-Castelle, réclame l’interdisciplinarité pour sortir l’enseignement des mathématiques de son carcan trop étroit. Non seulement il appuie la réforme des collèges (qui agite tant la société française), mais il souhaite que les mathématiques s’ouvrent à l’interdisciplinarité par l’intégration de l’informatique qui permettra ainsi une pédagogie par projet. Cela permettrait de faire entrer les élèves dans des situations d’apprentissage plus complexes, de recourir à la collaboration et d’effectuer des apprentissages à travers des cas plus riches. Serait-il ici encore question de résolution de problème?

Comme ces articles le révèlent, l’enseignement des mathématiques traverse une crise : crise qui n’est cependant pas insurmontable. Encore faudra-t-il que nos organisations scolaires et ministérielles acceptent de délaisser des pratiques autrefois jugées essentielles pour accéder à un enseignement qui propose de véritables résolutions de problème qui demandent aux élèves de mobiliser leurs savoirs de façon dynamique et pertinente.

Entre cet idéal proposé à travers ces trois textes et l’implantation d’une telle pédagogie, il faudra espérer une réelle volonté politique de favoriser l’apport du raisonnement mathématique dans la formation globale des élèves. Un beau défi à l’horizon!